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Pourquoi les antidépresseurs ISRS mettent-ils des semaines à agir ? (étude par scanner)

Les antidépresseurs ISRS, c’est-à-dire des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS ou IRS) comme l’escitalopram, mettent normalement quelques semaines avant d’avoir des effets bénéfiques sur la santé mentale, mais comment se fait-il que cela prenne autant de temps ? Une étude présentée le 9 octobre 2023 à Barcelone lors d’une conférence médicale, l’ECNP (European College of Neuropsychopharmacology), apporte la première preuve que cela est dû à des changements physiques dans le cerveau conduisant à une plus grande plasticité cérébrale se développant au cours des premières semaines de prise d’ISRS. Cela pourrait également contribuer à expliquer l’un des mécanismes d’action des antidépresseurs.

Augmentation progressive de la densité synaptique

Pourquoi les antidépresseurs SSRI mettent-ils des semaines à agir ? (étude)

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) mettent généralement du temps à agir. Des chercheurs européens de Copenhague, d’Innsbruck et de l’Université de Cambridge ont ainsi entrepris une recherche pour essayer de comprendre ce fonctionnement des antidépresseurs. Cette étude randomisée, en double aveugle et contrôlée par placebo, le gold standard en médecine, sur un groupe de volontaires en bonne santé a montré une différence progressive dans le nombre de connexions des cellules nerveuses (synapses) du cerveau entre ceux qui prennent des antidépresseurs et un groupe de contrôle, en fonction de la durée du traitement.

Au total, 17 volontaires ont reçu une dose quotidienne de 20 mg d’escitalopram (Lexapro, Cipralex, Sipralexa, Seroplex et génériques), un ISRS, et 15 volontaires ont reçu un placebo. Entre 3 et 5 semaines après le début de l’essai, leur cerveau a été scanné à l’aide d’un scanner TEP (tomographie par émission de positons), qui a montré la quantité de glycoprotéine 2A des vésicules synaptiques dans le cerveau, il s’agit d’un indicateur de la présence de synapses, de sorte que plus la protéine est présente dans une zone, plus il y a de synapses dans cette zone c’est-à-dire une plus grande densité synaptique. Ces analyses ont révélé des différences significatives entre les groupes en ce qui concerne l’évolution de la densité des synapses au fil du temps.

Le professeur Gitte Knudsen, chercheur à l’hôpital universitaire de Copenhague, a déclaré avoir constaté que les personnes qui prenaient des ISRS étaient plus susceptibles d’avoir des synapses. Ces dernières présentaient, en effet, une augmentation progressive des synapses dans le néocortex et l’hippocampe du cerveau, par rapport aux personnes prenant un placebo.

Le néocortex occupe environ la moitié du volume du cerveau. Il s’agit d’une structure cérébrale complexe qui traite des fonctions supérieures telles que la perception sensorielle, l’émotion et la cognition. L’hippocampe, qui se trouve dans les profondeurs du cerveau, est responsable de la mémoire et de l’apprentissage.

Le professeur Knudsen poursuit que ces résultats permettent de tirer deux conclusions principales. Premièrement, ils indiquent que les ISRS augmentent la densité synaptique dans les zones du cerveau qui jouent un rôle critique dans la dépression. Cela indiquerait que la densité synaptique dans le cerveau peut être impliquée dans le fonctionnement de ces antidépresseurs, ce qui nous donnerait une cible pour développer de nouveaux médicaments contre la dépression.

Développement plus lent des synapses

Deuxièmement, les données suggèrent que les synapses se développent sur une période de plusieurs semaines, ce qui expliquerait pourquoi les effets de ces médicaments prennent du temps à se faire sentir.

Le professeur David Nutt de l’Imperial College à Londres, qui n’a pas participé à ces travaux, a déclaré que le délai d’action thérapeutique des antidépresseurs est une énigme pour les psychiatres depuis qu’ils l’ont découvert il y a plus de 50 ans. Ces nouvelles données chez l’homme, qui utilisent l’imagerie cérébrale de pointe pour démontrer une augmentation des connexions cérébrales se développant au cours de la période où la dépression disparaît, sont donc très intéressantes.  Elles apportent également des preuves supplémentaires que l’amélioration de la fonction sérotoninergique dans le cerveau peut avoir des effets bénéfiques durables sur la santé.

En 2020, au Royaume-Uni il y avait 6 molécules différentes sur le marché appartenant aux ISRS :  le citalopram, l’escitalopram, la fluoxétine (le premier ISRS disponible sur le marché), la fluvoxamine, la sertraline et la paroxétine, selon le site Gov.uk.

Références & Sources :
Communiqué de presse en anglais de l’étude (via Eurekalert.org)

Personnes responsables et impliquées dans l’écriture de ce dossier :
Seheno Harinjato (rédactrice chez Creapharma.ch, responsable des infographies). Supervision finale du texte : Xavier Gruffat (pharmacien).

Date de dernière mise à jour du dossier :
10.10.2023

Crédits photos :
Creapharma.ch, Adobe Stock, © 2023 Pixabay

Crédit infographie : 
Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch)

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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 10.10.2023
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