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Thérapie génique

Définition

Le concept de la thérapie génique (en anglais gene therapy) consiste à injecter un gène déficient ou problématique dans une cellule humaine en utilisant un vecteur (souvent un virus inoffensif comme des adénovirus) pour transporter le gène sain. La thérapie génique est une méthode thérapeutique qui a le potentiel de guérir de nombreuses maladies d’origine génétique mais elle n’est pas sans défi de taille, comme le résumait l’hebdomadaire anglais de référence The Economist dans une édition d’août 2022.

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Nombreuses maladies génétiques

Il existe des milliers de maladies génétiques mais heureusement la plupart sont rares.
Parmi les maladies génétiques connues, on peut citer la thalassémie bêta, l’hémophilie a ou b ou l’atrophie musculaire spinale héréditaire.
La maladie de Huntington pourrait aussi être traitée par thérapie génique, en particulier par l’extinction de gène (gene silencing en anglais) ciblant ici l’ARN (et pas l’ADN), comme Creapharma.ch en avait parlé en 2021.

Etudes cliniques en cours

En août 2020 The Economist estimait à 2000 le nombre d’études cliniques (en anglais clinical trials) en cours concernant la thérapie génique et les thérapies cellulaires, même si beaucoup se trouvaient à un stade initial. De façon encore plus intéressante surtout pour les patients, entre 40 et 50 nouvelles thérapies géniques pourraient être mises sur le marché d’ici 2030, toujours selon The Economist du 27 août 2022. Beaucoup de ces thérapies seront utilisées dans le cancer, en immunothérapie, avec notamment les thérapies CAR-T (lire davantage à ce sujet ici).

Virus utilisé (vecteur) – ciblage précis

Pour injecter le ou les gènes dans les cellules humaines à cibler, un vecteur doit être utilisé. Il s’agit souvent de virus associés à l’adéno ou adénovirus, simplement appelé AAV, de l’anglais adeno-associated viruses) Les AAV sont en général bien tolérés par l’être humain et provoquent peu ou aucune réponse immunitaire, mais malheureusement des exceptions graves existent (lire aussi le paragraphe sur les effets secondaires). Les adénovirus ont été utilisés plutôt avec succès dans le vaccin AstraZeneca contre la Covid-19.
Les AAV sont capables de cibler spécifiquement certains tissus de l’organisme comme le nerf optique, les muscles ou le système nerveux central.

Procédure complexe (exemple)

La thérapie génique peut varier en fonction de la maladie et du patient. Un exemple intéressant est la thérapie hors du corps (en anglais out-of-body). Dans ce type de thérapie, l’équipe médicale prélève des cellules humaines du patient (exemple dans la moelle osseuse) et des cellules de ce prélèvement sont isolées (ex. cellules souches). En laboratoire, le gène thérapeutique (souvent le gène sain) est injecté ou mis dans un virus inoffensif (ex. adénovirus) qui agit comme vecteur. Les virus sont mis avec les cellules humaines toujours en laboratoire et le gène thérapeutique s’insère à la place du gène problématique. Les cellules modifiées génétiquement sont finalement réintroduites dans le patient (par ex. dans la moelle osseuse).

Effets secondaires et risques

Malheureusement, les AAV peuvent aussi mener à de graves effets secondaires. En août 2022, le laboratoire suisse Novartis a annoncé la mort de deux enfants en lien avec des problèmes hépatiques avec sa thérapie génique contre l’atrophie musculaire spinale (en anglais spinal muscular athrophy), appelée Zolgensma (lire davantage à ce sujet dans paragraphe plus bas). Justement, un effet secondaire très fréquent avec le Zolgensma est l’augmentation du taux d’enzyme hépatique (touchant jusqu’à 90% des patients utilisant ce médicament1, indiquant de possibles troubles hépatiques. Cet effet secondaire est la conséquence de l’administration de trillions de virus dans l’organisme, il s’en suit une réaction immunitaire, certaines cellules de la défense immunitaire attaquent le foie. En général, il est possible de contrer cet effet en administrant un anti-inflammatoire.

Risques à long terme
Comme beaucoup d’études cliniques datent des années 2010 ou 2020, les risques à long terme des thérapies géniques restent peu connus. On peut imaginer l’apparition de cancer ou de maladies auto-immunes. Néanmoins, le risque vaut souvent la peine car certaines thérapies géniques peuvent changer radicalement la vie de certains patients, parfois il s’agit d’une question de vie ou de mort ou la possibilité de ne pas devenir aveugle (exemple de thérapie génique efficace contre la neuropathie optique héréditaire de Leber ou de l’anglais LHON).

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Arrêt d’une étude clinique
Une étude clinique réalisée sur des êtres humains a été arrêtée en septembre 2021 par la FDA (agence américaine des médicaments) à cause de cas de cancers détectés sur une grande majorité de souris dans une autre étude un an après qu’elles aient reçu la thérapie génique en question2.

Coûts très chers à produire

Une thérapie génique coûte seulement en termes de production par patient entre 100’000 et 500’000 dollars (USD), selon le Boston Consulting Group cité par The Economist. C’est une raison en partie pourquoi les thérapies géniques coûtent extrêmement cher, parfois vendues à plusieurs millions de dollars (lire exemple ci-dessous du Zolgensma), car il faut encore inclure les coûts de recherche et développement (R&D). Bien entendu même si on parle de peu de patients, cela peut être très coûteux pour les systèmes de santé publique ou privés, les fameux payeurs. Au début des années 2020 certains assureurs comme par exemple en Allemagne ont tout simplement refusé de payer certains traitements de thérapie génique.

Historique, défis

Les premières thérapies géniques ciblant l’être humain sont apparues dans les années 1990 mais ce n’est que dans les années 2010 et surtout 2020 qu’elles ont commencé à avoir un impact sur certains patients avec l’enregistrement de plusieurs médicaments à base de thérapie génique en Europe et aux Etats-Unis. Au début des années 2000, votre serviteur qui étudiait la pharmacie (sciences pharmaceutiques) à l’Ecole Polytechnique de Zurich (EPFZ ou ETH Zurich) en Suisse avait appris par un professeur que la thérapie génique était une méthode d’avenir ayant le potentiel de révolutionner la médecine. Environ 20 ans après, comme l’a bien résumé The Economist en août 2022, la thérapie génique semble plutôt reléguée à un traitement de niche dans les pays riches et continue de faire face à certains obstacles mentionnés dans l’article (prix élevé, effets secondaires parfois très graves), même si de facto la thérapie génique a déjà changé la vie (parfois sauvé) de beaucoup de patients à travers le monde.

Décès marquant
Le jeune Américain de 18 ans Jesse Gelsinger, qui souffrait d’une grave maladie génétique (mutation dans le gène OTC), meurt en 1999 suite à une expérience de thérapie génique, nouvelle technique à cette époque porteuse de grands espoirs. Les chercheurs ont utilisé un virus (adenovirus) avec pour objectif d’injecter un gène réparateur de l’OTC dans les cellules de Jesse Gelsinger. Malheureusement son organisme n’a pas supporté cette injection de virus (adénovirus), menant à une réaction immunitaire exagérée du patient, ce qui a engendré sa mort 4 jours après l’injection.

Exemple du Zolgensma

Le laboratoire pharmaceutique suisse Novartis a obtenu l’autorisation le 24 mai 2019 de la part de la FDA américaine pour la mise sur le marché aux Etats-Unis d’une thérapie pour le traitement de l’atrophie musculaire spinale héréditaire (en anglais : spinal muscular atrophy). Cette thérapie génique en traitement unique qui introduit de l’ADN dans l’organisme du patient porte le nom de Zolgensma (à base d’onasemnogene abeparvovec). Le Zolgensma® repose sur un vecteur viral (appelé AAV9). L’atrophie musculaire spinale héréditaire est une maladie génétique rare et mortelle chez l’enfant. Les patients finissent par perdre la capacité de marcher, de manger ou même de respirer. La maladie touche environ 1 bébé sur 11’000, aux Etats-Unis cela représente 10’000 à 25’000 personnes ou selon le Wall Street Journal 400 à 500 nouveau-nés par année avec environ 300 qui ont la forme la plus grave de la maladie qui tue à l’âge de 2 ans. Une dose du traitement unique coûte la somme de 2,125 millions de dollars, le prix le plus élevé au monde d’un médicament ou thérapie génique unique selon un article de NBCNews
Plus d’informations sur le Zolgensma dans notre article complet

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Exemples en Suisse de thérapie génique disponibles (liste non exhaustive)

Luxturna® – traitement de la dystrophie rétinienne héréditaire provoquée par des mutations du gène RPE65
Tecartus®, Dispersion de 0,4 – 2 x 108 cellules pour perfusion Bréxucabtagène autoleucel (cellules CAR T+ viables) – traitement de certains lymphomes
Zolgensma® – traitement de l’amyotrophie spinale (SMA)

Rédaction :
Xavier Gruffat (pharmacien, MBA). Relecture : Seheno Harinjato (Rédactrice chez Creapharma.ch, responsable infographies).

Sources :
The Economist, Keystone-ATS (agence de presse suisse), The Wall Street Journal.

Crédit photo :
Adobe Stock

Dernière mise à jour de l’article :
12.09.2022

Références scientifiques et bibliographie :

  1. Hepatotoxicity following administration of onasemnogene abeparvovec (AVXS-101) for the treatment of spinal muscular atrophy, 10 novembre 2021, DOI : j.jhep.2020.11.001
  2. U.S. FDA Placed a Clinical Hold on BMN 307 Phearless Phase 1/2 Gene Therapy Study in Adults with PKU Based on Interim Pre-clinical Study Findings, 5 septembre 2021, accédé par Creapharma.ch le 26 octobre 2021

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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 26.04.2023
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