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L’aspartame peut-il provoquer le cancer ? Le point avec une oncologue

L’aspartame est un édulcorant artificiel découvert en 1965 par la société GD Searle et utilisé dans divers aliments et boissons surtout depuis les années 1980. Les personnes qui cherchent à réguler la quantité de sucre dans leur sang (par exemple les diabétiques) ou qui suivent un régime hypocalorique cherchent souvent à remplacer le sucre par de l’aspartame. Cependant, en juillet 2023, l’aspartame a été classé par plusieurs autorités sanitaires mondiales, telles que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme une substance potentiellement cancérigène, ce qui laisse planer une question : pouvons-nous encore consommer des aliments et boissons contenant de l’aspartame ?

Pour vous aider à répondre à cette question, Creapharma.ch et Criasaude.com.br (version brésilienne du site) sont partis à la recherche des dernières recherches scientifiques et a interviewé la Dre Bruna Bighetti (photo ci-dessous), oncologue expérimentée et titulaire d’un master de l’Université fédérale de São Paulo (UNIFESP) au Brésil. Elle exerce actuellement comme médecin et continue un travail de recherche (Institut Américas). Comme on le verra, son avis est plus nuancé que l’OMS. Pour la spécialiste, nous pouvons en principe continuer à consommer de l’aspartame, mais avec modération. Toutefois certaines personnes à risque devraient cesser toute consommation.

Dre Bruna Bighetti, médecin oncologue (crédit photo : divulgation)

Edulcorants nutritifs vs. édulcorants alternatifs (artificiels)

En nutrition, on distingue les édulcorants nutritifs qui fournissent des calories et les édulcorants alternatifs, mieux connu souvent sous le nom d’édulcorants artificiels, qui en majorité n’apportent pas de calories. Les édulcorants artificiels sont des composés conçus pour avoir le même goût que le sucre, mais avec très peu de calories. La plupart contiennent moins de 3 calories par cuillère à café. Comparez cela à une cuillère à café de sucre, qui contient 16 calories. Il existe aussi des édulcorants dits naturels comme la stévia. Une plante originaire d’Amérique du sud toujours plus utilisée par les grands industriels du secteur comme l’américain Cargill.

Molécule d’aspartame (crédit photo : Adobe Stock)

Avis assez radical de l’OMS

Revenons tout d’abord sur l’avis critique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 15 mai 2023 qui a recommandé de ne pas utiliser d’édulcorant sans sucre (c’est-à-dire édulcorant artificiel et naturel) pour contrôler son poids ou réduire la menace de maladies non transmissibles. L’OMS a parlé de possibles effets indésirables à long terme. Le recours à ces édulcorants n’aboutit à aucun avantage durable pour la diminution de poids chez tous les individus, toujours selon l’OMS. Et il pourrait aussi augmenter la menace de certaines pathologies non transmissibles. “La population doit trouver d’autres moyens de réduire la consommation de sucres libres, soit par des sucres naturels ou des aliments et boissons non sucrés”, a affirmé en mai 2023 un responsable de l’OMS. La recommandation vaut pour tous les édulcorants non nutritifs naturels, synthétiques ou modifiés. Elle ne s’applique toutefois pas aux produits de soins et d’hygiène comme du dentifrice, des crèmes ou des médicaments.

L’aspartame en question, sans cause à effet claire

Des preuves scientifiques indiquent que l’aspartame pourrait être lié à un risque accru de développer un cancer. C’est pourquoi l’OMS a classé l’aspartame parmi les causes possibles de cancer. Mais cela ne signifie pas que l’aspartame provoque directement le cancer.

Selon le Dr Bruna Bighetti, interrogée par Creapharma.ch : “la classification est basée sur des études qui ont montré des résultats ambigus et incertains concernant la sécurité de l’aspartame par rapport au cancer”. La classification de l’OMS reflète cette situation : l’aspartame est classé dans le “groupe 2B cancérogène”, réservé aux substances dont on pense qu’elles peuvent causer le cancer, mais pour lesquelles on ne dispose pas encore de suffisamment de preuves pour affirmer qu’elles le causent.

La recherche sur le lien entre certains aliments et le développement du cancer est complexe. Dans le cas de l’aspartame, il a été démontré que les personnes qui consomment davantage de cette substance sont plus susceptibles de développer un cancer, mais cela ne prouve pas l’existence d’une relation de cause à effet. Cette probabilité accrue de cancer peut être liée à d’autres facteurs communs aux personnes qui consomment davantage d’aspartame, tels qu’un problème de santé chronique, une carence en vitamines ou des choix de mode de vie.

Risques et effets secondaires de l’aspartame

Outre son association avec le cancer, l’aspartame peut avoir d’autres effets indésirables. Certaines personnes peuvent ne pas bien tolérer l’aspartame et d’autres édulcorants artificiels ; les alcools de sucre utilisés dans leur fabrication peuvent provoquer des troubles gastro-intestinaux, notamment des ballonnements, des crampes et des diarrhées1.

Selon un article publié en juillet 2023 dans la revue scientifique de référence Nutrients2, l’activation des récepteurs du glutamate par l’aspartame soulève des inquiétudes liées à la neuropsychiatrie et à la neurotoxicité. Certaines études épidémiologiques ont montré une association entre l’aspartame et des maladies malignes ou des sautes d’humeur soudaines.

Certains chercheurs et professionnels de la santé s’inquiètent également d’une sorte de dépendance. L’aspartame stimule le système nerveux, libérant une série d’hormones liées au bien-être, ce qui pourrait conduire le corps à avoir de plus en plus envie d’aliments sucrés. Mais aucune étude n’a encore prouvé cette hypothèse3.

Quelle consommation ? Belle marge

Selon l’oncologue Dre Bruna Bighetti : “la décision d’arrêter de consommer de l’aspartame ou d’autres édulcorants artificiels doit être fondée sur une évaluation minutieuse des risques et des bénéfices”. Il n’existe aucune preuve scientifique d’un lien avec le développement du cancer, mais si vous êtes préoccupé par la consommation d’aspartame, il est important d’en discuter avec votre équipe médicale. “En général, suivre un régime équilibré et varié, riche en aliments naturels, est une approche saine. Si quelqu’un choisit de consommer des produits contenant de l’aspartame, il est logique de le faire dans les limites considérées comme sûres par les autorités de régulation”, ajoute la Dr Bruna Bighetti.

L’OMS indique qu’une dose journalière acceptable est de 40 mg d’aspartame par kg de poids corporel. Une canette de soda light contient environ et souvent 200 mg d’aspartame, ce qui signifie qu’une personne pesant 68 kg pourrait, en théorie, boire environ 13 sodas light par jour et rester dans cette limite si elle n’avait pas d’autre aspartame dans son alimentation.

Personnes à risque

Selon cette étude publiée en juillet 2023 dans la revue Nutrients (DOI : 10.3390/nu15163627), certains groupes de personnes doivent évités ou consommer de l’aspartame avec beaucoup de modération, à savoir :
– les personnes souffrant de troubles neurologiques, tels que des crises d’épilepsie ;
– les femmes enceintes (en raison du risque accru de voir l’enfant développer des allergies respiratoires telles que l’asthme et la rhinite) ;
– les personnes atteintes de phénylcétonurie.

Conclusion

Il ne s’agit pas d’éviter à tout prix de consommer de l’aspartame et de s’interdire une boisson gazeuse light de temps en temps, mais la modération est nécessaire pour réduire les risques, comme le souligne le Dr Dale Shepard, oncologue, dans une interview accordée à la Cleveland Clinic en juillet 2023.

Le 6 septembre 2023. Article publié aussi en portugais du Brésil.

Rédaction :
Adriana Sumi (pharmacienne dipl. USP, Sao Paulo, Brésil). Supervision : Xavier Gruffat (pharmacien dipl. EPF Zurich, Zurich, Suisse, MBA, FIA-USP, Sao Paulo, Brésil).

Sources :
En plus de celles mentionnées dans l’article ou ci-dessous. OMS: Aspartame hazard and risk assessment results released

Références scientifiques et bibliographie :

  1. Article de la Cleveland Clinic, Do You Need To Cut Out Aspartame ? avec un entretien avec l’oncologue Dr Dale Shepard, publié en juillet 2023, lien fonctionnant à cette date
  2. Shaher, S.A.A.; Mihailescu, D.F.; Amuzescu, B. Aspartame Safety as a Food Sweetener and Related Health Hazards. Nutrients 2023, 15, 3627. https://doi.org/10.3390/nu15163627
  3. Article de la Cleveland Clinic, Do You Need To Cut Out Aspartame ? avec un entretien avec l’oncologue Dr Dale Shepard, publié en juillet 2023, lien fonctionnant à cette date
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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 10.09.2023
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