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La phytothérapie à l’honneur du prix Nobel de médecine de 2015

Armoise annuelle Phytothérapie malariaSTOCKHOLMLundi 5 octobre 2015, le prix Nobel de médecine a été attribué à 3 chercheurs, l’Américain né en Irlande William Campbell, le Japonais Satoshi Omura et la Chinoise Tu Youyou, pour leurs découvertes sur les infections parasitaires et le paludisme (malaria). Retour sur la vie de Mme Tu Youyou qui a travaillé sur le paludisme. Ses travaux de recherche ont notamment abouti à l’extraction de l’artémisinine, un principe actif de l’armoise annuelle (Artemisia annua). Actuellement l’artémisinine est le seul traitement disponible dans des cas graves de paludisme. Fait plutôt rare, Mme Youyou a réussi à intégrer dans son travail des éléments de la médecine traditionnelle et de la recherche scientifique moderne.

Recherche secrète, en pleine guerre froide

Née en 1930 dans la province chinoise de Zhejiang, Mme Youyou a commencé ses travaux pour le gouvernement chinois dans la lutte contre le paludisme à la fin des années 1960. A cette époque de guerre froide en pleine Guerre du Vietnam, le Vietnam du nord communiste était en guerre contre le sud, allié des Américains. Autant en Chine qu’au Vietnam le paludisme était une cause importante de mortalité. Le gouvernement chinois a ainsi cherché un remède plus efficace que la cloroquine, principale molécule disponible à cette époque dans la lutte contre le paludisme mais qui provoquait toujours plus de cas de résistances. L’objectif du gouvernement chinois était de trouver un médicament efficace contre cette maladie infectieuse tropicale.

Médecine traditionnelle

Mme Youyou et son équipe ont commencé à analyser plus de 2’000 remèdes de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) présentant un potentiel dans la lutte contre le paludisme. De tous ces remèdes, ils sont arrivés à 380 extraits de plantes qu’ils ont ensuite testé sur des souris. L’un de ces extraits s’est avéré un fébrifuge efficace lors des excès de fièvre provoqués par le paludisme. Cet extrait provenait de l’armoise annuelle (Artemisia annua). Mme Youyou et son équipe ont modifié le processus d’extraction et ont isolé, au début des années 1970, l’ingrédient actif de l’armoise annuelle à savoir l’artémisinine. Son travail a seulement été rendu public en 1977, après la fin des restrictions du gouvernement chinois.

Armoise annuelle

L’armoise annuelle est originaire de Chine et pousse principalement dans les zones tempérées chaudes. C’est une plante de la MTC utilisée depuis plus de 2’000 ans.

Traitement efficace

L’artémisinine est toujours en 2015 le traitement le plus efficace et sûr contre le paludisme (malaria), une maladie parasitaire qui touche près de 200 millions de personnes par an, et en tue plus de 500’000, principalement des enfants africains. L’artémisinine est le seul traitement disponible dans des cas graves de paludisme, notamment lors de cas de résistances. Attention toutefois, l’artémisinine ne devrait pas être utilisée en monothérapie mais associée à d’autres molécules, comme le relève l’OMS.

Carrière brillante

En plus du prix Nobel de médecine, le premier Nobel de médecine décerné à une Chinoise (hommes et femmes confondus), Mme Youyou avait déjà gagné le prestigieux prix scientifique Albert-Lasker. Depuis 1965, elle est professeure à l’Académie pour la Médecine Traditionnelle Chinoise de Pékin.

Analyse de Creapharma, cas isolé

C’est une très belle histoire mais malheureusement peu fréquente dans la médecine moderne. Le principal problème pour que ce cas de figure se répète est la structure du modèle économique du système actuel de l’industrie pharmaceutique. Actuellement cette industrie finance la recherche en très grande partie par le dépôt de brevets. Le problème est que pour des questions principalement éthiques, il n’est presque pas possible de déposer un brevet sur une molécule isolée d’une plante, encore moins sur la plante entière. La plupart des spécialistes estiment que ces plantes et leurs molécules appartiennent au patrimoine mondial de l’humanité. Les chercheurs ont donc de grandes difficultés à mener des recherches sur les plantes, car c’est financièrement très peu rentable. Autrement dit, le retour sur investissements est presque impossible sans passer par des fonds publiques. Ce n’est donc pas une surprise que ce travail de recherche ait connu le succès en étant lié à un projet militaire. Dommage, car la nature contient probablement de très nombreuses molécules capables de changer le monde comme l’artémisinine.

Malaria infographie

Le 8 octobre 2015. Par Xavier Gruffat (pharmacien dipl. EPFZ – dipl. MBA). Sources : ATS (agence de presse suisse), TV5Monde, Folha de S.Paulo. Photos: Creapharma, Fotolia.com, Wikipedia.org

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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 17.09.2017
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