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Covid-19 : cas de réinfection mortel au Brésil – Interview exclusif

CONTENU EXCLUSIF SUR CREAPHARMA.CH

SÃO PAULO/ARACAJU (BRÉSIL)Une étude brésilienne publiée le 12 février 2021 dans la revue scientifique Journal of Infection (DOI : 10.1016/j.jinf.2021.01.020) a documenté le cas d’un patient de 44 ans de l’état brésilien de Sergipe (nord-est) mort le 2 juillet 2020 de la Covid-19. Il s’agit du premier cas prouvé au Brésil d’un patient décédé suite à une réinfection du SARS-CoV-2, le virus à l’origine de la Covid-19. Creapharma.ch a pu interroger par e-mail le Prof. Roque Pacheco de Almeida (photo ci-dessous), l’un des principaux auteurs de l’étude.

Covid-19 : cas de réinfection mortel au Brésil (étude)

Déroulement du décès

L’étude a pu montrer que ce pharmacien travaillant aux urgences dans l’état brésilien de Sergipe avait été diagnostiqué positif à la Covid-19 par un test PCR le 8 mai 2020, comme le relève aussi le site UOL.com.br. Après 9 jours de symptômes légers, il a repris ses activités normales. Ensuite, le 13 juin 2020, il a effectué un autre test PCR qui s’est avéré positif, comme les symptômes étaient plus graves il a été hospitalisé et est décédé début juillet 2020. Les tests PCR permettent d’identifier avec une grande certitude la présence ou non du virus dans l’organisme.

Réinfection ou dormant ?

L’équipe de scientifiques qui a publié cette étude impliquant aussi une trentaine d’autres cas de réinfections, surtout chez des professionnels de la santé, ne sait pas si le pharmacien décédé avait été réinfecté ou si le virus était resté comme dormant dans son organisme puis aurait muté. Interrogé en février 2021 par Creapharma.ch, le Prof. Roque Pacheco estime que pour le moment les scientifiques ne savent pas grand-chose sur le SRAS-CoV-2, mais il est possible que le virus puisse se cacher dans un organe quelconque, où le système immunitaire a un effet limité ou est modulé. Le professeur brésilien rappelle que leur étude indique une réinfection, mais elle a été prouvée chez un seul patient par isolement et séquençage du virus. Il explique à Creapharma en détaillant différents aspects cliniques que leur étude montre les deux hypothèses possibles, soit une réinfection par un nouveau virus ou le virus dormant dans l’organisme.
D’autres études seront nécessaires pour mieux connaître le SARS-CoV-2. Il note aussi une prédisposition génétique à développer des symptômes de la Covid-19 avec notamment le rôle des groupes sanguins (ex. type A), ce qui a aussi été prouvé par d’autres études (ndlr. par la suite en 2021 remis en question).

Variant grave

Un test PCR lors de son hospitalisation a montré un variant grave, menant à beaucoup de décès, le G25088T. Selon le scientifique et professeur de l’Université Fédérale de Sergipe, Roque Pacheco de Almeida, qui est l’un des leaders de l’étude, cette mutation observée a un grand potentiel mortel et a déjà été documentée dans le passé, comme il l’expliquait au portail UOL le 17 février 2021. Selon lui, il est possible que cette variante ou mutation ait déjà disparu. Cyniquement on peut dire que cette variante (variant) très dangereuse est “morte” avec le patient, dans une vision évolutive du virus. En général, on estime qu’un virus évolue pour se rendre plus transmissible, mais moins létal. 

Lien possible entre une première infection et l’infection par un variant

Si on retient l’hypothèse d’une réinfection par un autre variant du virus, plutôt que le virus dormant, une question qu’on peut légitimement se poser est de savoir si une première infection peut-elle prédisposer à une seconde infection par un variant ? Interrogé par Creapharma.ch, le Prof. Roque Pacheco de Almeida répond que ce n’est pour le moment qu’une spéculation, mais si une personne est infectée par un virus et qu’elle développe une réponse immunitaire qui ne la protège pas complètement contre une nouvelle infection, mais qui, d’une certaine manière, produit des anticorps contre la souche originale, il est possible que cela prédispose la personne à être infectée et que, pendant l’infection, l’organisme “choisisse” un nouveau variant.

Réinfection plus grave ?

Une autre question encore plus problématique est de savoir si une première infection peut prédisposer à une maladie plus grave lors du deuxième épisode. Pour le professeur brésilien qui répond aussi à Creapharma.ch, la réponse est oui. Il explique que l’inflammation causée par la première infection et la modulation du système immunitaire à partir de la première infection peuvent avoir une mauvaise influence sur le résultat clinique d’une seconde infection. De plus, l’ensemble de la compromission de l’hôte par l’infection peut influencer la personne à réinfecter ou présenter un résultat clinique plus mauvais.

Vaccination

Comme la plupart des scientifiques, le Prof. Pacheco de Almeida soutient fermement la vaccination, ainsi qu’un isolement social très fort. Comme il explique à Creapharma.ch : “Nous ne pouvons pas exclure que le virus continue à muter et à produire de nouveaux variants qui peuvent être sélectionnés par adaptation même chez un hôte immunisé.” Il met en avant l’importance d’une vaccination rapide et note que le taux de protection plus élevé que le vaccin induit réduira les chances de sélectionner de nouvelles variants du virus.

Situation actuelle plutôt rassurante

Comme son étude a été terminée en septembre 2020, Creapharma.ch lui a demandé la situation actuelle dans son état de Sergipe, petit état situé au nord de l’état de Salvador. Il explique que depuis lors, d’autres cas lui ont été spontanément adressés avec des symptômes récurrents et un test PCR positif, au total 12 patients de Sergipe, et 1 de Salvador, dont 3 patients qui ont eu 3 fois. Parmi ces 12 patients, 3 d’entre eux au moins présentaient des symptômes plus graves, et un autre devait être hospitalisé, mais ils n’avaient pas été suivis par téléphone, comme dans l’étude primaire. Ils ont tous survécu.

Durée de présence du virus

On sait que le virus de la Covid-19 survit en moyenne une dizaine de jours chez un individu, mais d’autres études ont montré que certains patients, notamment immunodéprimés ont hébergé le virus vivant plusieurs semaines, voire plusieurs mois après la contamination. Cela pourrait être une cause de l’apparition de variants problématiques du virus. Comme le précisait le journal de référence suisse alémanique NZZ le 17 février 2021, ces nouveaux variants du SARS-CoV-2 pourraient provenir d’hôtes dont le système immunitaire est affaibli. Il serait très important de découvrir le plus rapidement possible d’où ils viennent, selon la NZZ.

Article mis à jour le 20 février 2021. Par Xavier Gruffat (pharmacien). Attention, les informations sont considérées comme correctes au jour de la publication.
Relecture : Seheno Razanamanga (de Creapharma.ch).
Sources : UOL.com.br, NZZ.ch, interview par e-mail (en anglais) réalisé entre Creapharma.ch et le Prof. Roque Pacheco de Almeida à la mi-février 2021.
Référence étude : Journal of Infection (DOI : 10.1016/j.jinf.2021.01.020). Crédit photo : Wikipedia.org, Ana Lícia Menezes/PMA (Université de Sergipe, Brésil).

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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 31.07.2021
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