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Traitement de la polyarthrite rhumatoïde : interview avec un médecin spécialiste

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie rhumatismale inflammatoire auto-immune, c’est-à-dire qui attaque ses propres articulations ou cellules. En général, les mains, les pieds et les poignets sont touchés par la PR mais la maladie peut s’étendre à d’autres parties du corps. La maladie touche environ 1% de la population. Les traitements médicamenteux, souvent pris sous forme injectable, ont beaucoup évolué ces dernières années avec l’arrivée notamment de médicaments appelés DMARDs biologiques, c’est-à-dire des agents modifiant la maladie (en anglais « disease modifying antirheumatic drug ») à base d’anticorps. Creapharma.ch fait le point sur le traitement de la PR avec le médecin rhumatologue, Dr Jonathan Greer. Il exerce en Floride aux États-Unis dans la région de Palm Beach.

Dr Jonathan Greer

Creapharma.ch – Dr Greer, en cas de douleurs légères à modérées liées à la polyarthrite rhumatoïde (PR), quels médicaments recommandez-vous ? Plutôt des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l’ibuprofène, le paracétamol ou même des corticostéroïdes ?
Il est d’une importance vitale de traiter la maladie sous-jacente à l’origine de la douleur. Si l’on ne s’attaque pas à l’inflammation, les articulations subiront des lésions, des déformations et des handicaps. Par conséquent, l’utilisation du méthotrexate en tant que médicament de première intention, suivi d’autres thérapies ciblées, y compris des agents biologiques (DMARDs, lire ci-dessous), est la voie à suivre pour traiter la maladie, ce qui devrait, à son tour, soulager la douleur. En cas de poussée sévère, j’utiliserai occasionnellement de la prednisone ou d’autres stéroïdes ainsi que des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour soulager davantage la douleur. Il ne faut jamais se contenter d’utiliser des stéroïdes ou des AINS sans traiter la maladie sous-jacente.

Et en cas de forte douleur, faut-il passer à des dérivés de la morphine ou à des molécules un peu moins fortes comme la codéine ou le tramadol ?
Une fois de plus, le traitement de la maladie articulaire inflammatoire sous-jacente est le plus important pour contrôler la douleur. Il peut s’agir d’un bolus ou d’une diminution progressive des stéroïdes, qui peuvent aider très rapidement si la douleur est due à une maladie inflammatoire. L’utilisation d’opioïdes doit être réservée aux cas les plus graves qui ne répondent pas aux médicaments typiques de la polyarthrite rhumatoïde.

En cas de prescription de morphine ou de ses dérivés, comment limiter une éventuelle dépendance ?
Dans notre cabinet, nous orientons les patients vers des spécialistes de la gestion de la douleur pour qu’ils prescrivent des opioïdes. Les opioïdes étaient à l’origine contrôlés par l’État et le gouvernement (ndlr. américain) et devraient être prescrits par des médecins spécialisés dans ce domaine. Il est certain que le dépistage des médicaments est important et qu’il est fréquemment utilisé, de même que les conseils aux patients. Néanmoins, le problème de la dépendance aux médicaments, de l’accoutumance et de la toxicomanie reste d’actualité.

Femme atteinte de polyarthrite rhumatoïde (crédit photo : Adobe Stock)

Concernant les DMARDs biologiques – souvent appelés simplement “biologiques”, il existe aujourd’hui un grand nombre de molécules (lire le résumé ci-dessous de Mayo Clinic) sur le marché, comment un médecin peut-il choisir parmi tant de solutions ?
Les rhumatologues connaissent parfaitement tous les médicaments “biologiques” et autres thérapies ciblées qui sont aujourd’hui sur le marché. Le choix de ces agents est déterminé par les préférences du patient, ses comorbidités et, surtout, son assurance. La décision d’utiliser l’un de ces médicaments est très compliquée et peut faire l’objet d’un article entier.

Les DMARD synthétiques ciblés (baricitinib, tofacitinib et upadacitinib) ou inhibiteurs de JAK sont moins nombreux, en général quand ces médicaments doivent-ils être prescrits à la place des DMARD biologiques en cas de RA ?
Aux États-Unis, les inhibiteurs de JAK ne sont approuvés qu’après l’échec d’un inhibiteur du facteur de nécrose tumorale. Il existe trois agents de ce type sur le marché, et tous sont assortis d’avertissements et de précautions similaires. Ils sont cependant très efficaces et peuvent certainement être considérés comme faisant partie de nos options de traitement.

En 2020, l’ACR (American College of Rheumatology, Collège Américain de Rhumatologue) a recommandé de commencer le méthotrexate et de le poursuivre au lieu de passer rapidement à un autre DMARD. Si je comprends bien, il faut tester le méthotrexate pendant un certain temps, puis, si le patient continue à présenter certains symptômes, passer à une DMARD ?
Les patients sont généralement mis sous méthotrexate pendant au moins trois mois et, s’il n’y a pas d’amélioration à ce stade, nous ajoutons une thérapie biologique ciblée. Le changement d’un DMARD en l’espace d’un mois ne laisse pas suffisamment de temps pour voir s’il est efficace.

Enfin, en ce qui concerne la chirurgie, est-elle réservée aux cas graves ?
La chirurgie est réservée aux patients qui présentent une déformation importante et une perte de fonction d’une ou plusieurs articulations. Il s’agit d’une décision prise conjointement par le patient et son prestataire de soins. Heureusement, grâce aux médicaments dont nous disposons aujourd’hui, la progression de cette maladie a été limitée et je vois de moins en moins de déformations nécessitant une intervention chirurgicale.

DMARDs biologiques disponibles aux Etats-Unis, résumé de la Mayo Clinic en mars 2023
Abatacept (Orencia®), adalimumab (Humira®), certolizumab pégol (Cimzia®), étanercept (Enbrel®), golimumab (Simponi®), infliximab (Remicade®), rituximab (Rituxan®), sarilumab (Kevzara®), tocilizumab (Actemra®). Lire aussi notre dossier complet sur la polyarthrite rhumatoïde

Le 13 mars 2023 (V.1.1, mis à jour le 16 mars 2023). Interview réalisée en anglais par e-mail en mars 2023 avec le Dr. Jonathan Greer par Xavier Gruffat (pharmacien, fondateur de Creapharma.ch). Relecture (Seheno Harinjato, rédactrice chez Creapharma.ch). L’interview a été traduit et adapté en français. Crédits photos : Dr. Jonathan Greer, Adobe Stock. Lire interview original en anglais sur notre site Creapharma.comLire aussi l’interview en italien.

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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 16.03.2023
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