Pied diabétique et risque d’amputation : interview avec Léonie Chinet de l’association diabètevaud

LAUSANNE Le diabète est une maladie complexe qui touche de plus en plus de personnes. Environ 4,6% de la population suisse et 9,8% de la population mondiale en sont atteints et on estime que ces proportions augmenteront à l’avenir1. Lorsque le diabète est mal contrôlé et que le taux de sucre dans le sang est trop élevé sur une longue période, il peut causer des atteintes au système nerveux et aux vaisseaux sanguins. Il en résulte une perte de sensibilité dans les membres inférieurs et une mauvaise circulation sanguine. C’est ce qu’on appelle le pied diabétique. Une blessure à cet endroit pourra ainsi passer inaperçue et aura de la peine à guérir. S’il n’est pas traité, le pied diabétique peut s’aggraver et entraîner une gangrène ou une amputation. Léonie Chinet, secrétaire générale de diabètevaud (association des patients diabétiques du canton de Vaud), nous aide à mieux comprendre cette complication aux conséquences parfois graves.

Pied diabétique et risque d'amputation : interview avec Léonie Chinet de l'association diabètevaud
Léonie Chinet (de diabètevaud)

Creapharma.ch – Pourquoi est-ce que les diabétiques doivent faire autant attention à leurs pieds ?
Léonie Chinet – A la longue, le diabète peut porter atteinte aux nerfs et aux vaisseaux sanguins, surtout s’il est trop souvent mal équilibré (hyperglycémie). En cas d’atteinte des terminaisons nerveuses (neuropathie), les personnes perdent la sensibilité à la douleur. Autrement dit, elles risquent de ne pas sentir une plaie ou si leurs chaussures les blessent. Par ailleurs, si la circulation du sang est perturbée, en cas d’artériopathie, le risque de lésions augmente et les plaies seront plus difficile à guérir.

Le risque d’amputation est réel chez les personnes souffrant d’un diabète mal pris en charge ou non traité. Mais une personne qui prend toujours ses médicaments et a un taux de sucre (glycémie) équilibré doit-elle également contrôler régulièrement ses pieds ?
Oui, les contrôles réguliers au moins une fois par année sont recommandés pour toute personne diabétique dès le diagnostic (la seule exception est le diabète qui apparaît durant la grossesse). Les personnes qui ont un diabète bien équilibré minimisent leurs risques de complication, mais il n’y a pas de risque zéro, d’autant plus que ces complications peuvent être liées à d’autres facteurs de risque comme le tabagisme ou l’hypertension.

Les diabétiques ont-ils naturellement les pieds plus fragiles que les non-diabétiques ou la perte de sensibilité est-elle uniquement la conséquence d’une mauvaise prise en charge du diabète ?
Je ne poserais pas la question en ces termes. En effet, cette fragilité est due au côté insidieux de la neuropathie. Je m’explique : lorsque vous perdez la sensibilité à la douleur, vous ne le savez pas forcément. Or la neuropathie étant plus fréquente chez les diabétiques, cette fragilité des pieds est inhérente au diabète, d’où l’importance de suivre les recommandations et faire contrôler ses pieds régulièrement. Cela permet aussi de savoir comment prendre soin de ses pieds au quotidien et minimiser les risques de complications.

À quelle fréquence une personne diabétique doit-elle se rendre chez un podologue ? Rappelons que les podologues sont des spécialistes des soins et de l’étude du pied ainsi que de ses affections. En Suisse romande, les podologues se forment à l’école supérieure des podologues, à Genève.
En l’absence de risque de complications, seul un contrôle annuel est nécessaire et il peut être effectué par le médecin, un.e infirmier.ère ou un.e podologue. En cas de neuropathie, il est recommandé de consulter au moins deux fois par an, notamment pour évaluer le chaussage et l’adapter au besoin. La fréquence recommandée est de quatre fois en cas d’artériopathie, voire 6 s’il y a des antécédents comme une ulcération ou en cas d’insuffisance rénale.

Avez-vous quelques conseils pratiques à donner aux diabétiques pour bien prendre soin de leurs pieds ?
Les conseils de base sont d’observer régulièrement ses pieds et de les crémer avec n’importe quelle crème hydratante. En cas de neuropathie, éviter de marcher pieds nus et porter des chaussettes claires.

En Suisse, les soins des pieds, par exemple chez un podologue, sont-ils remboursés par l’assurance ?
Comme on l’a vu, le nombre de contrôles recommandé varie selon le risque de complication. Le remboursement par l’assurance-maladie de base suit la même logique. Chez les personnes qui n’ont pas de risque de complication, les soins chez les podologues ne sont pas pris en charge par l’assurance de base. Les contrôles peuvent toutefois être faits lors d’une consultation médicale ou infirmière, cette dernière étant remboursée sur prescription médicale. Les soins chez les podologues sont remboursés pour les personnes diabétiques qui présentent un risque de complications du pied, et l’assurance rembourse jusqu’à 6 soins par année en cas de risque élevé ou d’antécédents (voir encadré ci-dessous).

Est-ce qu’on sait si le risque de pied diabétique est plus élevé avec le diabète de type 1 ou de type 2 ?
A ma connaissance, ce risque est surtout lié à un mauvais équilibre glycémique récurrent, ce qui explique qu’il augmente avec la durée du diabète. Néanmoins, le diabète de type 2 peut passer longtemps inaperçu, et donc rester non traité, d’où l’importance d’un examen des pieds au moins une fois par an dès le diagnostic.

Sur le site Internet de diabètevaud, vous précisez qu’un diabétique sur trois s’ignore. Est-ce qu’une personne qui n’a pas encore été diagnostiquée peut déjà développer un pied diabétique ?
Oui, le diabète de type 2 peut passer longtemps inaperçu car ses symptômes sont indolores (soif intense et besoin d’uriner plus fréquemment, fatigue voire perte de poids involontaire). De fait, il arrive qu’il soit diagnostiqué lorsqu’une complication apparaît. A partir de 40 à 45 ans, surtout si l’on a des personnes diabétiques parmi nos parents et qu’on présente des facteurs de risque (manque d’exercice physique, alimentation déséquilibrée, surpoids, tabagisme), tester son risque de diabète voire effectuer un dépistage est vivement recommandé (voir encadré). En effet, s’il est possible de bien vivre avec un diabète, la qualité de vie est diminuée par les complications. Donc il n’est jamais trop tôt pour agir !

ENCADRE
Prendre soin de ses pieds (les liens marchaient à la date de publication de l’article, soit le 8 juillet 2022)
– Des informations ainsi que les contacts des podologues habilité.es à facturer à l’assurance-maladie sont disponibles sur le site de la Société suisse des podologues
Diabètevaud fournit des informations et conseils sur les soins des pieds, qui a droit à quels soins, ainsi que des contacts des prestataires
Connaître son risque de diabète de type 2
tester gratuitement son risque de diabète
– il est aussi possible de se faire dépister en pharmacie (prestation proposée dans la plupart des officines) ou prendre rendez-vous chez son médecin pour un diagnostic

Interview réalisé par e-mail en juin et juillet 2022 par Xavier Gruffat (pharmacien), avec l’aide de la rédactrice Céline Dubas (entreprise : Textes et Compagnie) et de la rédaction de Creapharma.ch. Interview réalisé grâce à la technologie Publinetis.com.
Crédits photos : Léonie Chinet (divulgation), Adobe Stock. Crédit infographie : Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch).

3 choses à savoir sur le pied diabétique

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Références scientifiques et bibliographie :

  1. IDF Diabetes Atlas
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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 25.07.2022
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