Publicité

La menace croissante des infections fongiques, la science derrière «The Last of Us»

Le monde semble avoir heureusement tourné en bonne partie la page de la pandémie de Covid-19. L’idée ici n’est pas de se montrer trop alarmiste, mais une autre menace plane sur la planète terre : les infections par champignons. Tout indique que le réchauffement climatique augmente le nombre d’infections fongiques. Une étude de 2022 a montré que les infections fongiques sont responsables de 1,6 million de décès dans le monde chaque année1 et plus de 7’000 aux Etats-Unis pendant toute l’année 2021 (contre environ 500 décès pendant l’année 1969)2. Pour le moment, les proportions sont moindres que l’impact du virus SARS-CoV-2 pendant ces dernières années ou le nombre de décès par année de maladies bactériennes comme E.Coli mais il est important que les spécialistes accompagnent cette problématique. La série à succès The Last of US (lire ci-dessous) surfe aussi sur cette menace fongique affectant principalement les personnes avec des problèmes immunitaires.  

The Last of US

La série américaine à succès The Last of Us, diffusée en 2023 aux Etats-Unis sur HBO et dans certains pays comme en Suisse sur la chaîne publique RTS ou en France sur un VOD, parle d’une humanité décimée à la suite de la mutation d’un champignon parasite. Il est capable de s’adapter et d’infecter les humains à un rythme rapide, alors qu’ils ne pouvaient pas le faire auparavant. Cette série est en fait de l’adaptation télévisée du jeu vidéo éponyme, sorti en 2013 sur PlayStation 3. Il s’agit d’une pure fiction mais qui se base sur un vrai problème, la montée en puissance des infections fongiques et de la difficulté pour certains patients et médecins de trouver le traitement adéquat.

Les enjeux

Il existe des préoccupations scientifiques concernant les champignons nouveaux et émergents qui infectent les humains pour la première fois. Certains champignons qui existent depuis un certain temps deviennent même résistants aux médicaments antifongiques, comme certaines bactéries le sont aux antibiotiques. Cela signifie que certaines infections fongiques courantes deviennent plus difficiles à traiter.

Différents types de champignons

Les champignons (fungi en anglais) peuvent se présenter sous la forme de champignons proprement dits mais aussi de levures, de moisissures ou d’une combinaison de ceux-ci. Tous les champignons sont opportunistes par nature, ce qui signifie que les spores fongiques sont toujours présentes autour et à l’intérieur de nous, mais qu’elles peuvent provoquer des maladies lors de circonstances favorables. Il existe environ 150’000 espèces décrites de champignons, mais peut-être quelques millions d’espèces supplémentaires à découvrir3. Toutes ne sont bien sûr pas problématiques pour l’être humain.

Infection, entrée dans le corps

Une infection avec des champignons peut survenir lorsqu’ils pénètrent dans l’organisme par ingestion ou inhalation, dans la même logique qu’un virus, une bactérie ou un parasite. Les champignons peuvent également rentrer dans le corps par une blessure. Parfois les champignons sont déjà dans le corps et se développent suite à un déséquilibre avec d’autres micro-organismes.

Maladies courantes

Les infections fongiques sont très différentes dans leur aspect, leur symptôme et leur traitement. Les infections fongiques courantes liées aux champignons sont notamment le pied d’athlète (mycose des pieds), le muguet, les infections ou mycoses vaginales à levures, les mycoses du cuir chevelu (teignes) et autres infections à levures (candidose).

Corps humain : où peut-on attraper une mycose ?

Problèmes immunitaires

Pour beaucoup de personnes, les maladies fongiques mentionnées ci-dessus semblent plutôt bénignes et faciles à soigner. Mais pour les personnes immunodéprimées évaluées à environ 3% de la population aux Etats-Unis4, les infections fongiques sont particulièrement difficiles à traiter et peuvent mettre leur vie en danger, car leur système immunitaire affaibli favorise la multiplication des infections, y compris autre que fongiques comme des infections bactériennes, et l’enracinement d’infections rares. Les personnes âgées sont également plus vulnérables aux infections fongiques.

Deux causes d’inquiétude

Tout d’abord, les médicaments actuels antifongiques sont pour certains toujours plus résistants à certains champignons. Les champignons à l’origine des infections courantes (comme les mycoses à Candida orales ou vaginales) deviennent de plus en plus résistants aux traitements, les risques d’apparition de formes d’infections plus invasives dans la population générale augmentent également5. Contrairement aux virus et aux bactéries, les cellules fongiques ont une structure similaire à celle des cellules humaines, comme l’explique un article intéressant d’avril 2023 de la renommée Cleveland Clinic. Et parce ces cellules sont si semblables à nos cellules humaines saines, il est plus difficile de concevoir un traitement antifongique qui ne s’attaque qu’aux cellules fongiques et qui ne soit pas toxique également pour les cellules humaines. Une étude6 de 2017 a montré que les champignons développent une résistance aux traitements antifongiques à un rythme de plus en plus alarmant. Deuxièmement, on constate que le changement climatique est à l’origine d’une croissance fongique généralisée. On pense aussi que certains champignons deviennent plus résistants à la chaleur. Traditionnellement, les champignons ont tendance à se développer à des températures plus basses. Ainsi, si un champignon résiste mieux à la chaleur il pourra davantage se développer et se multiplier à température corporelle (ex. 37°C).

Liste de l’OMS et des CDC

En octobre 2022, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à Genève a publié sa toute première liste d’agents pathogènes fongiques. La liste contient 19 champignons qui représentent la plus grande menace pour la santé publique. Quelques espèces de cette liste particulièrement problématiques sont : Cryptococcus neoformans (peut mener dans certains cas à une méningite), Candida auris (peut mener à des infections de différents organes, il a été trouvé pour la première fois au Japon en 2009 dans le canal auriculaire – d’où son nom d’espèce), Aspergillus fumigatus (peut mener à aspergillose et à des maladies pulmonaires) ou Candida albicans (chez des personnes saines, ce Candida ne pose pas de problèmes particuliers mais peut mener à des problèmes chez des individus fragilisés). Les renommés Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains tiennent aussi une liste avec les infections fongiques problématiques en mentionnant notamment Candida auris, champignon actuellement résistant à plusieurs traitements antifongiques. La levure (yeast en anglais) Candida auris a un taux de mortalité pouvant aller jusqu’à 60%, selon les CDC7. Mais ce sont surtout les personnes gravement malades en milieu hospitalier qui sont à haut risque, surtout si la levure passe dans la circulation sanguine. Aux Etats-Unis, le laboratoire pharmaceutique Cidara Therapeutics Inc. a développé un médicament contre Candida, y compris Candida auris. Sa molécule rezafungin pourrait bientôt être enregistrée aux Etats-Unis par l’agence de régulations des médicaments – la FDA8.

Zombie ?

La bonne nouvelle toutefois, il est impossible pour le moment et probablement pour ces prochaines millions d’années qu’un champignon nous fasse devenir un zombie comme dans la série (et jeu vidéo) The Last of Us. Le zombie est une personne (fictive) ayant perdu toute forme de conscience et d’humanité, au comportement violent envers les êtres humains et dont le mal est terriblement contagieux.

Lire aussi : Corps humain : où peut-on attraper une mycose ?

Le 4 avril 2023. Par Xavier Gruffat (pharmacien). Sources : Cleveland Clinic, The Wall Street Journal, OMS, études mentionnées directement dans l’article ou ci-dessous. Relecture : Seheno Harinjato (Rédactrice chez Creapharma.ch, responsable infographies). Crédit photo : Adobe Stock. Infographie : Creapharma.ch (Pharmanetis Sàrl).

Références scientifiques et bibliographie :

  1. Rokas, A. Evolution of the human pathogenic lifestyle in fungi. Nat Microbiol 7, 607–619 (2022). https://doi.org/10.1038/s41564-022-01112-0
  2. The Wall Street Journal, édition online (notamment vidéo à ce sujet) – site payant du WSJ, le 21 mars 2023
  3. Rokas, A. Evolution of the human pathogenic lifestyle in fungi. Nat Microbiol 7, 607–619 (2022). https://doi.org/10.1038/s41564-022-01112-0
  4. The Wall Street Journal, édition online (notamment vidéo à ce sujet) – site payant du WSJ, le 21 mars 2023
  5. Article de l’OMS en français datant du 25 octobre 2022 : L’OMS publie la toute première liste d’agents pathogènes fongiques, le lien marchait le 4 avril 2023 – date d’écriture de cet article
  6. Perlin DS, Rautemaa-Richardson R, Alastruey-Izquierdo A. The global problem of antifungal resistance: prevalence, mechanisms, and management. Lancet Infect Dis. 2017 Dec;17(12):e383-e392. doi: 10.1016/S1473-3099(17)30316-X. Epub 2017 Jul 31. PMID: 28774698.
  7. The Wall Street Journal, édition online, le 21 mars 2023
  8. The Wall Street Journal, édition online, le 21 mars 2023
Inscrivez-vous à notre newsletter (gratuit)     Lire aussi :
Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 05.04.2023
Publicité