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Interview avec la Dre Dominique Durrer sur les nouveaux médicaments contre l’obésité

VEVEY Les agonistes des récepteurs du GLP-1 comme le sémaglutide (Wegovy®) et le liraglutide (Saxenda®), et plus récemment le tirazépatide (Mounjaro®, Zepbound®), ont révolutionné le traitement de l’obésité. Ils permettent pour certaines molécules et dosages jusqu’à 15 à 20% de perte de poids. Creapharma.ch a pu interroger la Dre Dominique Durrer, grande spécialiste suisse de l’obésité. Elle est notamment spécialisée en nutrition, obésité et troubles du comportement alimentaire. La Dre Durrer est aussi la présidente de l’Association de patients Eurobesitas. L’interview a été éditée et simplifiée pour une meilleure compréhension.

Dre Dominique Durrer

Creapharma.chQuels sont les différents médicaments disponibles sur le marché pour traiter l’obésité ?
Dre Dominique Durrer – Le médicament le plus ancien est l’orlistat qui est un inhibiteur d’une enzyme, la lipase. Avec ce médicament, 25% des graisses qu’on mange ne vont pas être absorbées, mais éliminées dans les selles. L’effet secondaire est que dès qu’on mange des graisses, cela provoque des diarrhées, des douleurs et des ballonnements. Grâce à ce traitement, on peut espérer 5% de perte de poids dans le cadre d’une prise en charge globale avec une éducation thérapeutique du patient. Relativement peu employé, il présente l’avantage de permettre au patient de prendre conscience des endroits où se trouvent les graisses.  Actuellement, ce médicament n’est pratiquement plus prescrit.

Il y a également la sertraline et la fluoxétine, deux inhibiteurs du recaptage de la sérotonine, des antidépresseurs qui ont un dosage assez élevé et dont l’effet agit sur les fringales pour les sucres. Le problème est qu’après 6 mois, il y a un effet de tolérance et on perd ainsi l’efficacité.

Aujourd’hui il y a tous les nouveaux médicaments, les analogues du GLP-1 qui font la une de la presse internationale. En Suisse, nous avons le liraglutide, le Saxenda®, et actuellement le sémaglutide avec le Wegovy® qui vient d’arriver.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience clinique avec ces nouveaux médicaments ?
Pour le Saxenda®, ce qui est particulièrement intéressant est que c’est la première fois qu’un médicament a plusieurs effets thérapeutiques dans le cadre de l’obésité. D’abord, l’effet le plus significatif est un ralentissement de la vidange gastrique qui est extrêmement important. En effet, l’estomac se vide lentement et le patient a de la peine à manger, même au repas suivant. À noter que ce sentiment de ne plus pouvoir avaler d’autres bouchées peut être accompagné de nausées dans les premiers temps. Outre cet effet physiologique au niveau de l’estomac, il y a aussi un effet au niveau de l’hypothalamus, au niveau du cerveau où la satiété augmente et la faim diminue. Et enfin, on peut distinguer un effet au niveau du circuit mésolimbique où le sentiment de récompense que le patient peut ressentir en mangeant, lorsqu’il est par exemple frustré, diminue. Il ressent moins la sensation de bien-être ou de plaisir que le fait de manger procure. De ce fait, grâce aux médicaments, l’alimentation ne constitue plus un problème pour les patients alors que je leur disais toujours : « Lorsque l’alimentation n’est plus un problème pour vous, le problème sera réglé. » Ce constat concerne autant les liraglutides que les sémaglutides, mais comme ces derniers sont disponibles en Suisse, mais ne sont pas encore remboursés, ils restent encore peu accessibles.

Selon vous, pourquoi ces nouveaux médicaments sont difficiles à trouver ?
Cela est peut-être dû au fait qu’aux États-Unis, certaines personnalités comme Elon Musk ou les Kardashian ont pris de l’Ozempic®, médicament indiqué spécifiquement contre le diabète de type 2, et ont perdu du poids. Ils ont donc fait des publications sur les réseaux sociaux. Cela a fait un buzz extraordinaire et tout le monde a voulu s’en procurer à tel point qu’il n’y avait plus d’Ozempic® pour les patients diabétiques qui en avait besoin. Or, je rappelle que l’Ozempic® n’est pas un médicament pour l’obésité, c’est un médicament pour le diabète. De plus, même pour le Saxenda® ou le Wegovy®, ce sont des médicaments approuvés pour la perte de poids uniquement chez les personnes souffrant d’obésité (IMC de 30 ou plus) ou de surpoids (IMC de 27 à 29,9). Ils ne sont donc pas destinés à tout le monde, même si certains médecins autorisés les prescrivent quand même pour des patients qui ne souffrent pas d’obésité. J’aimerais cependant souligner qu’un médicament est un traitement pour une maladie. L’obésité est une maladie et on ne doit pas prescrire le Saxenda® ou le Wegovy® pour des patients qui n’en souffre pas.

Est-ce vrai qu’à l’arrêt du traitement, il y a un risque de reprise du poids ?
Absolument. Et c’est un problème crucial ces derniers temps, car la pénurie de Saxenda® a contraint certains patients à arrêter le traitement, ce qui était à l’origine d’une reprise des poids. C’est d’ailleurs pour cette raison que je préconise un arrêt des analogues du GLP-1, que ce soit le Saxenda® ou le Wegovy®, sur une année. Autrement dit, une fois que le poids est atteint on diminue progressivement la dose de manière à s’assurer que le poids reste stable. Dans tous les cas, ce qui est formidable avec le tirzépatide, c’est qu’on peut avoir jusqu’à des pertes de 20 à 25% du poids initial et on commence à se rapprocher des succès de la chirurgie bariatrique.

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Quels sont les effets secondaires des sémaglutides ?
Il y a les nausées, les vomissements, la diarrhée voire des constipations ou des ballonnements. Les nausées et les vomissements sont dus surtout au ralentissement de la vidange gastrique. Il peut aussi y avoir des tachycardies, quelques hypoglycémies et des pancréatites, donc il faut toujours faire attention même si c’est rare. Si le patient a eu une dépression grave, on a vu que cela pouvait des fois aggraver une dépression, donc il faut aussi y être attentif.

Pour terminer, parlons un peu de régimes comme le Weight Watchers, le régime cétogène, le régime méditerranéen ou le jeune intermittent. Quel régime vous paraît être le plus efficace ?
Tout d’abord, la première chose que je veux souligner c’est que les régimes font grossir. On le sait, maintenant tous les spécialistes de l’obésité vous le diront : « On ne doit pas prescrire de régime ! » On doit vraiment faire l’éducation thérapeutique du patient pour retrouver la sensation de faim, de satiété, le plaisir de manger, de cuisiner et de manger sans frustrations. C’est comme ça qu’on peut aider le patient à perdre du poids. Après, si on parle de régime, le Weight Watchers en ligne pourrait aider certains patients à retrouver une diète assez équilibrée et on peut le faire relativement longtemps sans vraiment avoir d’atteinte à la santé. Certains régimes comme le régime cétogène peuvent être efficaces, mais très restrictifs. Il est ainsi difficile de le maintenir à long terme, d’où le risque de frustrations qu’on va vouloir compenser à l’arrêt, ce qui favorise la reprise des poids. Pour ce qui est du régime méditerranéen, c’est le plus équilibré, mais je ne parlerai pas de régime, je le vois plutôt comme une diète, une manière de manger. C’est une cuisine très équilibrée et qui prévient les maladies cardiovasculaires et même le diabète. Donc, si on le suit avec une éducation thérapeutique du patient pour manger, je trouve que c’est celui que je préfère. En ce qui concerne le jeune intermittent, peu de gens sont capables de le suivre.

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Le 24 janvier 2024. Interview réalisée entre Xavier Gruffat (pharmacien, pour Creapharma.ch) et la Dre Dominique Durrer en décembre 2023. Interview réalisée en partenariat avec le site Pharmapro.ch. Crédits photos : Adobe Stock, divulgation (Dre Dominique Durrer).

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Informations sur la rédaction de cet article et la date de la dernière modification: 25.01.2024
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