Les statines sont largement utilisées pour faire baisser le taux de mauvais cholestérol (LDL) et dans une moindre mesure de triglycérides, notamment lorsque le risque de maladies cardiovasculaires est élevé. Souvent prescrits à vie, les statines font l’objet d’un certain nombre de questionnements quant à leur usage, leurs effets secondaires, ainsi que le degré d’efficacité des différentes molécules qui les composent.
1. Parmi les médicaments les plus vendus au monde
Les statines font partie des médicaments les plus prescrits et les plus vendus au monde. Le nombre de patients qui suivent ce traitement était estimé en 2013 à plus de 5 millions en France et au Royaume-Uni et à plus de 36 millions aux États-Unis. Pendant plus de 10 ans le Lipitor® (nom de marque aux Etats-Unis, en France Tahor® et en Suisse Sortis®), à base d’atorvastatine, était le médicament qui avait le plus grand chiffre d’affaires annuel de toute l’industrie pharmaceutique, soit plus de 12 milliards de dollars par an. Le Lipitor® est considéré comme le médicament le plus rentable de tous les temps, il aura généré depuis son acquisition par Pfizer à la société Warner-Lambert en l’an 2000 un chiffre d’affaires vertigineux de 131 milliards de dollars.
2. Les statines diminuent le taux de cholestérol (LDL)
Les statines contribuent de manière efficace à réduire le taux de mauvais cholestérol (LDL) dans le sang. De nombreuses études ont déjà démontré leur rôle préventif contre les maladies cardiovasculaires comme l’infarctus du myocarde et l’AVC. La prise de ces médicaments permet de baisser le niveau de LDL dans le sang ainsi que le taux de triglycérides. La formation d’athérome, un dépôt qui vient se tapisser sur la paroi interne de l’artère et le boucher, est ainsi limitée. Il existe des polémiques autour de l’usage des statines, mais un consensus mondial reconnaît qu’elles sont efficaces pour diminuer le risque cardiovasculaire chez des patients à risque. On estime que les statines permettent de réduire de 30% le risque d’accident cardiaque1.
En savoir davantage à ce sujet sur notre dossier complet sur les statines
3. Les statines sont des médicaments bon marché
Les statines sont déjà tombées dans le domaine public. S’il existe certaines marques qui sont encore sous protection par brevet, de nombreux médicaments dans la famille des statines, tel le Lipitor® à base d’atorvastatine, sont disponibles en tant que génériques et coûtent donc en général beaucoup moins cher par exemple que d’autres médicaments récents pour diminuer le mauvais cholestérol (LDL).
4. Les statines peuvent mener à des effets secondaires typiques
De nombreux effets secondaires sont attribués aux statines, notamment des troubles musculaires comme des douleurs, des crampes, des myalgies, ou plus rarement une rhabdomyolyse. Ces effets secondaires sont influencés par certains facteurs comme le genre, l’âge et l’état de santé des patients. Ils apparaissent généralement quelques semaines après la prise des médicaments.
– Selon une étude publiée en juillet 2017 dans le journal spécialisé Annals of Internal Medicine, environ 20% des personnes prenant une statine ont rapporté souffrir d’un effet secondaire, la plupart du temps des troubles musculaires.
– Selon un article de l’université de Berkeley aux Etats-Unis datant d’octobre 2018 qui se réfère à la littérature scientifique, la prévalence d’effets secondaires au niveau musculaire est estimée entre 7 et 29% selon différentes études. Cette grande variation provient du fait que décrire des douleurs ou symptômes musculaires est souvent assez subjectif.
Car il faut savoir que ces chiffres se basent sur de vastes études de population et non sur des essais cliniques contrôlés. Si l’on examine les données probantes issues d’essais cliniques contrôlés, où les patients reçoivent au hasard une statine ou un placebo et sont étudiés avec soin, le risque de symptômes musculaires comme effet secondaire semble être beaucoup plus faible : 5 % ou moins, toujours selon l’article de l’université de Berkeley.
Sachez que si une statine mène à des effets secondaires de type musculaire, le médecin peut vous prescrire une autre statine avant de changer de classe de médicaments (ex. ézétimibe).
Remise en cause des effets secondaires musculaires :
Des chercheurs britanniques ont étudié quelque 200 personnes (âge moyen de 69,5 ans) en Angleterre et au Pays de Galles, qui avaient récemment arrêté de prendre leurs médicaments ou envisageaient de le faire, en raison de symptômes musculaires. Toutefois, les chercheurs n’ont pas noté de différence avec un placebo. Chaque participant a été assigné au hasard à six périodes de traitement de deux mois, pendant chacune desquelles ils ont reçu des statines ou un placebo. Les participants ont évalué les symptômes musculaires et leur intensité – douleur, faiblesse, sensibilité, raideur ou crampe – sur une échelle de un à dix à la fin de chaque période de traitement. L’absence de symptômes étant également notée. Les abandons en raison de symptômes musculaires intolérables ont été de 18 participants (9%) pendant une période de statines et de 13 (7%) pendant une période placebo. Les deux tiers des participants qui ont terminé l’essai ont déclaré qu’ils prévoyaient de reprendre le traitement à long terme avec des statines. Dans l’ensemble, les chercheurs, dont l’étude est parue le 24 février 2021 dans le British Medical Journal (DOI : 10.1136/bmj.n135), n’ont trouvé aucune différence dans les scores des symptômes musculaires entre les périodes de statines et de placebo. Ils n’ont évalué qu’un seul type de statine (l’atorvastatine 20 mg) et suggèrent de faire des études similaires avec d’autres statines et des doses plus élevées. Les courbatures et les douleurs musculaires sont courantes dans le groupe d’âge prenant des statines, ce qui peut laisser croire, à tort, que ce sont les médicaments qui sont en cause, notent-ils. D’autres études publiées par le passé étaient arrivées à des résultats différents, montrant que les statines au contraire menait à des effets secondaires de type musculaire (plus d’infos sur notre dossier complet sur les effets secondaires des statines).
– Les statines pourraient aussi augmenter légèrement le risque d’AVC hémorragique et entraîner des troubles cognitifs. Les résultats d’une étude finlandaise a également montré que les statines augmentaient la résistance à l’insuline et la sécrétion d’insuline. Les patients qui suivent ce traitement seraient ainsi plus exposés au risque de diabète de type 2. Lire aussi notre dossier complet sur les effets secondaires des statines
5. Pourquoi parler de statines au pluriel ?
Plusieurs molécules différentes sont regroupées dans la classe des statines, à savoir l’atorvastatine, la simvastatine, la pravastatine, la fluvastatine, la rosuvastatine et la lovastatine (la première à être commercialisée, mais en Suisse elle n’est plus disponible sur le marché). Les effets de ces statines sont assez identiques sur la baisse du taux de cholestérol (LDL ou mauvais cholestérol) et la réduction de risque d’accidents cardiovasculaires. Il appartient aux médecins d’établir la prescription adaptée à chaque patient selon son niveau d’hypercholestérolémie, son hygiène de vie et son profil. Lire aussi ci-dessous des nouvelles recommandations sur la prescription
Recommandations actualisées de 2018 lors de mauvais cholestérol (LDL)
Deux associations savantes aux États-Unis ont modifié en 2018 les recommandations (guidelines) à destination des médecins pour les personnes qui souffrent d’hypercholestérolémie, c’est-à-dire avec un taux élevé de mauvais cholestérol (LDL). L’idée est que les médecins doivent suivre une approche plus personnalisée. Ces recommandations qui sont une mise à jour de celles de 2013 ont été divulguées le 10 novembre 2018 lors d’un congrès de cardiologie (American Heart Association) qui s’est tenu à Chicago. L’American College of Cardiology a aussi participé à ces directives. Suite à ces recommandations, les médecins devraient prescrire deux nouvelles classes de médicaments contre le cholestérol comme les inhibiteurs PCSK9 ou l’ézétimibe chez des patients à risque élevé comme ceux ayant déjà souffert d’un infarctus du myocarde ou d’un AVC par le passé et lorsque les statines s’avèrent inefficaces pour abaisser le taux de LDL en dessous d’une certaine limite (en général 70 mg/dl). Les statines restent le traitement de premier choix pour diminuer le taux de LDL. Les spécialistes de la santé devraient aussi réévaluer après 12 semaines l’efficacité ou non du nouveau traitement. Les recommandations de 2018 rappellent qu’un taux élevé de cholestérol, peu importe l’âge, peut augmenter le risque d’infarctus du myocarde ou d’AVC, comme le souligne un article de la Mayo Clinic à ce sujet. Dans certains cas le médecin doit effectuer un scanner cardiaque avant de commencer à prescrire des médicaments contre le cholestérol. Comparé aux recommandations de 2013, le document de 2018 ne mentionne plus un objectif de traitement d’arriver pour tout le monde à un taux de LDL en dessous de 100 mg/dl ou même de 70 mg/dl pour les personnes à haut risque comme le relevait un article du Wall Street Journal publié le 10 novembre 2018.
Article mis à jour le 15 novembre 2021. Par la rédaction de Creapharma.ch (supervision scientifique par Xavier Gruffat, pharmacien).
Crédit photo : Fotolia.com. Crédit infographie : Pharmanetis Sàrl (Creapharma.ch). Références et sources : Berkeley (University of California). Voir d’autres sources sur notre dossier complet sur les statines